22/12/2011

Les corps étrangers.


Au risque de vous surprendre, vous ayant habitué à un degré assez élevé de narcissisme, je ne suis pas folle de mon corps.
En règle générale je me contente plus ou moins de ce que j’ai.

[Chose plutôt aisée lorsqu’il suffit de flâner cinq minutes dans les rues pour se rendre compte de ce à quoi l’on a échappé. La nature est parfois cruelle.]

Le rapport que l’être humain entretient avec son corps m’a toujours fasciné.
C’est comme si, toute notre vie, nous tentions de nous raccorder à cette entité pourtant palpable, observée maintes et maintes fois et sous toutes ses coutures,
(pour les plus audacieux)
sans jamais avoir l’impression qu’elle nous appartienne tout à fait.

En quelque sorte, l’éternelle et curieuse difficulté à « faire corps » avec sa propre chair, héritée de mille ans de traditions chrétiennes destinées à creuser le canyon qui séparerait l’esprit pur et cette foutue pécheresse d’enveloppe charnelle.

Sauf que pour ma part, je ne crois ni en la réincarnation, ni en aucun autre concept vaseux de vie après la mort.
Autant dire que du coup la notion d’ «âme » je m’assois allègrement dessus (et ce n'est pas désagréable)
J’ai fait depuis longtemps, et sans mal, le deuil de la pureté de ma propre enveloppe ;
et je m’accommode très bien de toutes pratiques païennes consistant à lui faire du bien. (Il n'y a pas que sur les dogmes religieux qu’on peut s’asseoir)

Le problème se situe donc vraisemblablement ailleurs.

Parce que si on mettait de côté les récriminations sociétales portées à l’encontre des « pas-tout-à-fait-minces » et « pas-tout-à-fait-beaux », on se rendrait compte avec facilité que la seule exigence que nous aillons envers nous-mêmes, c’est d’être conforme à l’idée que l’on se fait de soi, et que l’on souhaite transmettre aux autres.

Je vous l’accorde, celle-ci n’a parfois pas grand-chose à voir avec ce que l’on est réellement, mais sans vous prendre (tous) pour des abrutis finis, cet état de conscience de soi demande un niveau de sagesse que peu en ce bas monde acquière.

[Et quand on y pense, ce n’est sans doute pas plus mal, rapport à tous ces pauvres candidats de téléréalité, persuadés d’être nés dotés du QI d’Einstein, qui se verraient contraints de se jeter sous les roues de la première Smart venue pour laver la honte de ne même pas pouvoir prétendre aux capacités intellectuelles du quidam moyen.]

Certains tentent de soigner cet organisme greffé à leur cerveau à l’aide de soja bio, de thé vert ou de régimes sans protéines animales ;
D’autres le font souffrir à coup de cutter, de séances de rameur ou de concours du plus gros mangeur de tartiflette.
En ce qui me concerne, je pourrais me nourrir exclusivement de steaks et de patates et je n’ai rien contre mes avant-bras au point de vouloir leur faire seppuku.

En définitive, pour peu qu’on le laisse tranquille, la cohabitation a toutes les chances de se passer sans heurts.
Et lorsque le seuil de tolérance aura été franchit, qu’il soit graisseux ou autre, il sera toujours temps de faire péter son PEL pour s’offrir un corps de rêve. 

Aucune philosophie ne fait le poids face au progrès de la chirurgie esthétique.


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